Ouvert jusqu'à 20h00
Lundi : 10h00 - 20h00
Ouvert jusqu'à 20h00
Lundi : 10h00 - 20h00
Le 17 mars 2025
Loin de la Loire et des vignobles qui font la réputation du Maine-et-Loire, la ville de Cholet est entourée d'élevages variés et de cultures diversifiées. Des pionniers de la bio ont inscrit dans ce décor rural des récits fondateurs où l'herbe, le sol et l'eau tiennent les rôles principaux.
Marie-Pierre Chavel.
Il était une fois, au XVIe?siècle, une?province chère au poète Joachim du?Bellay qui louait sa douceur de vivre. C’est l’Anjou, devenu aujourd’hui le?Maine-et-Loire qui?a?lui aussi de beaux atours : un climat tempéré, des bords de Loire classés au?patrimoine de l’Unesco, des bijoux architecturaux, des bocages paisibles, une?agriculture diversifiée, souvent en polyculture-élevage, le modèle traditionnel. "Les producteurs ont su garder des fermes à?taille humaine, avec des prairies, des animaux dehors", constate Valentin?Loiseau, administrateur du Gabb?Anjou, le groupement des producteurs bio et biodynamistes local, en?comparant à ce qu’il a vu ailleurs. La bio est installée là depuis plus de cinquante ans, aidée par ce contexte et surtout grâce à des?femmes et des hommes de conviction qui ont depuis transmis leur expérience et leurs valeurs. Autour de Cholet, dans le sud-ouest du département, elles sont restées intactes.
Parmi ces pionniers, une certaine famille Gaborit (un nom courant ici). Dans les années 1960, sa?ferme en conventionnel, aux Mazeries à?Yzernay, voit dans l’arrivée de la mécanisation et des premiers engrais et pesticides chimiques la promesse de meilleurs rendements et de meilleurs revenus. Mais rapidement les traitements qu’il faut racheter régulièrement et?la?tête de mort sur les emballages inquiètent. La ferme perd ce qui fait son identité : l’autonomie, les sols vivants, la qualité du lait… "On était partis à fond dans la chimie, se souvient Bernard Gaborit qui, plus tard, donna son nom à une marque de produits laitiers bio. Mais mon frère Raymond a eu le déclic. La?bio pouvait nous en sortir. Si on la respecte, la?nature ne demande qu’à produire?!" En 1972, c’est la conversion – le label AB n’existe pas encore – et la ferme devient malgré elle un?modèle pour d’autres paysans. En gardant "les?barrières ouvertes" (traduction?: ils étaient transparents), en faisant les "choses bien" avec?de bons résultats, les Gaborit "ont montré qu’on?peut faire confiance à la bio", affirme Hélène, fille de?Bernard. Avec ses frère et?sœurs, elle a repris la ferme paternelle à?Maulévrier (lire ci-contre). Ses?cousins sont?restés sur celle d’Yzernay (lire p.?25). Avec?toujours la?philosophie des débuts.
Les deux fermes font partie des producteurs locaux des magasins Biocoop de Cholet et Sèvremoine, créés en Scop à partir de 1998. Une?époque où la bio commençait à se professionnaliser et les consommateurs à exiger plus. "Une association locale très engagée a?soutenu l’ouverture du premier magasin, explique?le?cogérant Thierry Lisée. C’était le?terreau de?départ, il a fallu le cultiver." La récolte est?plutôt bonne : il y a désormais quatre points de?vente, qui réalisent au global 21?% de leur chiffre d’affaires avec plus de 100?fournisseurs locaux, et qui sont reconnus comme acteurs du?territoire.
En 2009, alors que la Scop, très engagée dans?le?zéro déchet, ne vend plus d’eau plate en bouteille plastique, l’intercommunalité Cholet Agglomération s’intéresse aux alternatives proposées en?magasin car ses?captages d’eau potable sont?pollués. Triste mais profitable à la?bio?: dans?un?plan d’action, l’Agglo concerte les?éleveurs situés sur le?bassin-versant Ribou-Verdon (deux lacs artificiels) et les incite à revoir leurs pratiques. Même les bio se remettent en?question, repensent par exemple la gestion des effluents d’élevage. Regroupés dans l’association Bio Ribou Verdon, ils échangent entre eux mais aussi avec leurs voisins en?conventionnel, dont certains finissent par?convertir leur ferme. En?2000, 5?% des?producteurs du bassin-versant étaient labellisés AB, ils sont actuellement 25?%. "La?bio est un?outil important pour la potabilité de l’eau, assure Valentin Loiseau, qui est aussi coprésident de l’association. Nos prairies naturelles, nos haies permettent de filtrer l’eau." Et quand les animaux sont nourris essentiellement à l’herbe des?prairies plutôt qu’au maïs dépendant de?la?chimie de synthèse, c’est beaucoup moins de phosphore et autres polluants au robinet?! Le?système herbager, courant ici, a en plus l’avantage de?rendre les?fermes plus résilientes face au?changement climatique et plus autonomes financièrement. Bio Ribou Verdon, qui réunit une vingtaine de?producteurs et des?artisans, est aussi une?marque, notamment de?farine commercialisée en magasins Biocoop, qui?met en valeur la démarche de l’association.
En dehors de ce bassin-versant, s’installer en bio reste difficile dans le département. Le?conservatisme et un manque de soutien y sont pour quelque chose. Récemment une?ferme à vendre a servi à?en?agrandir d’autres en conventionnel alors?que des jeunes producteurs espéraient s’y?établir en bio…
Mais d’autres projets avancent. Comme la ferme de La Corbière, à l’ouest de Cholet. Son propriétaire travaille à l’autre bout du monde dans l’humanitaire. Cohérent, il a à cœur de prendre soin aussi de la population et de l’environnement français. Avec cette vieille ferme dont il a hérité, il vise des objectifs qui lui semblent fondamentaux : nourrir, employer et préserver. Sur 64?hectares, sept personnes produisent déjà des légumes, des céréales et?du pain. Trois tout jeunes paysans-boulangers sont là pour vivre "une aventure collective" avec une "organisation particulière" qui leur permet de gérer leur travail de A à Z. Ils apprennent à être écolos, avouant que ça prend du temps. Mais ils se disent bien dans ce "système de ferme qui donne envie". Et s’ils étaient en train d’écrire une autre belle histoire ?
Bernard Gaborit se souvient précisément du?jour où il s’est installé à?Maulévrier : le 23?avril?1979. Il avait 13?vaches jersiaises, une?race rustique qui donne un lait riche, 20 hectares de?terre et un projet?: transformer le lait pour?mieux le valoriser. En?bio dès le départ, ses?parcelles sont enrichies seulement de?compost, qu’il appelle «?or noir?», afin de mettre la terre de?"bonne humeur" et?qu’elle produise l’herbe et les?céréales en?quantité et qualité suffisantes pour nourrir les vaches et en?obtenir un bon lait. En 2025, la ferme, gérée?avec passion par ses?enfants, compte 100?jersiaises, plus celles?de huit producteurs partenaires,180?hectares de terre, 22?kilomètres de haies, 8?000?mètres carrés pour la laiterie et la fromagerie, un élevage de porcs pour réutiliser le?lactosérum (petit-lait), des panneaux photovoltaïques, un bocal réemployable testé avec Biocoop… "La bio est une?démarche de progrès continu, nous travaillons toujours dans le respect de la nature, du produit et des humains. Nos 67?recettes sont transformées traditionnellement, sans poudre de lait ni lait concentré", affirme Hélène. Dernièrement, l’entreprise a fait évaluer son bilan carbone. "Nos fermes sont diagnostiquées très bas carbone ! Notre système herbager et la cohérence de nos fermes autonomes prouvent que la bio est une véritable réponse aux enjeux d’aujourd’hui."
Bovins pour la viande ou?le?lait, brebis, porc…, il y a en a des élevages dans le?Choletais?! Même de pigeons. Xavier?Gaborit (à gauche sur la photo) a?travaillé dans ce secteur. Et aussi dans des vergers en conventionnel pendant sa période qu’il qualifie de?"rebelle". C’était avant de succéder à son père à?la?ferme bio des Mazeries à?Yzernay, en 2008. "La?bio, je suis né dedans, je ne sais faire que ça", dit-il. Et il?le?fait bien. Avec son frère Olivier et son cousin Julien (à?droite), ils élèvent 70?vaches parthenaises et?380?chèvres alpines nourries exclusivement à?l’herbe et aux céréales produites sur la ferme (200?hectares), sans ensilage ni enrubannage. L’hiver, elles ont aussi droit à une ration de chou et de?betterave, qui apportent énergie, vitamines et minéraux (calcium notamment). Les?parthenaises donnent une viande tendre appréciée des bouchers de?Biocoop Cholet qui viennent les acheter sur pieds. Les biquettes ont le?"poil frais", qui brille, signe d’une bonne alimentation et d’une bonne santé, assure Julien. "Les chèvres sont sensibles à l’humidité, aux parasites, mais les nôtres ont rarement des problèmes", explique-t-il. Leur lait cru et entier est?transformé sur place en?fromages frais qui se?vendent en magasins Biocoop bien au-delà du Maine-et-Loire. Le Roumé tient son nom d’une des premières chèvres arrivées à la ferme dans les années 1960. C’est de cette époque que?les trois associés tiennent leur ligne de?conduite?: "Quand on?fait quelque chose, on?doit le faire bien?!"
La ferme de La Corbière, à Roussay, multiplie les activités : maraîchage, céréales, pains. Cette nouvelle organisation attire les jeunes salariés comme Bérénice et Manuel, les paysans-boulangers.
On reste dans le Choletais mais dans les Deux-Sèvres, à Saint-Pierre-des-Échaubrognes, chez une?sage-femme. C’est le?métier qu’Estelle?Pousin exerce à temps partiel, quand elle n’est pas sur?la?ferme bio des Taillanderies que son père Marc lui a cédée en janvier 2024. "Ça me tenait à cœur de?la?reprendre", dit-elle, soucieuse d’être en?lien avec le territoire sur?lequel elle vit. "Être agriculteur bio, c’est comme un contrat avec les citoyens : on prend soin de leur environnement et eux nous soutiennent par?l’achat de nos produits." 94?hectares, 60?vaches allaitantes (maraîchines et armoricaines) et 120 brebis dehors une grande partie de l’année, des?volailles, des lentilles, de la farine, de l’huile (colza, cameline)…, l’activité diversifiée "renforce la?résilience" de la ferme. Avec son conjoint et associé, Jean-Baptiste, Estelle est adhérente de?Volailles bio de l’Ouest, un?groupement agricole sociétaire de Biocoop. Elle?est également membre de l’association locale Bio?Ribou Verdon. "La?notion de collectif est?plus porteuse pour le?territoire que l’histoire individuelle", lance-t-elle, voyant l’avenir de la bio dans des petites coopératives portées par?les paysans, avec?des?partenariats commerciaux forts qui suscitent les installations : "Il faut réinventer les?choses. Être?exigeants sur?le?cahier des charges, le?bien-être animal, être auprès des?gens, solidaires et?transparents."
ÇA C'EST BIOCOOP
Article extrait du n°135 de CULTURE BIO, le mag de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles.